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Marché immobilier et blockchain : un marché prometteur

Dernière mise à jour : 19 avr. 2023








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Les cas d’application de la blockchain ne se limitent pas à la finance. Du fait de sa capacité à améliorer et optimiser les processus, cette innovation se répand dans d’autres secteurs. Comme celui de l'immobilier… Grâce à la tokénisation de l’actif immobilier, c’est à dire "à la génération d’un jeton numérique basé sur la blockchain qui représente un titre" (The Future of Real Estate Investment, Baum, 2020), la blockchain pourrait améliorer le secteur de l'immobilier de deux façons. D’abord en utilisant les contrats intelligents (des programmes informatiques qui s'exécutent seuls sur la blockchain) qui fluidifient et accélèrent le processus de transaction. Mais aussi en fractionnant l'actif immobilier en plusieurs jetons/tokens: en divisant ainsi un même actif en plusieurs petits jetons stockés dans une blockchain décentralisée, on pourrait créer une nouvelle voie pour l'investissement immobilier.


Un marché qui a besoin d'améliorations


Dans son rapport de janvier 2023, le Consortium canadien Blockchain a rappelé combien le processus actuel d'achat de biens immobiliers est un processus lent, coûteux et qui comporte un risque élevé d'erreur humaine. À titre d’ordre de grandeur, il faut compter un délai de 30 à 60 jours pour qu’un nouvel acheteur finalise une transaction immobilière.


"Chaque élément de la transaction a une petite chance d'erreur, et il suffit d'une seule pour causer une perte d’argent", ajoute l'assureur canadien LawPRO. "Ces transactions portent sur des biens de centaines de milliers, parfois de millions de dollars. Même une erreur causant un petit pourcentage de perte peut entraîner une perte importante en valeur absolue."


Cette citation est symbolique de ce qu'est, profondément, l'industrie immobilière en 2023 : un système complexe qui repose sur les épaules de nombreux humains.


À ce propos, le Consortium canadien Blockchain a listé les cinq plus grandes limites qui pèsent selon lui sur le marché de l'immobilier :

  • Marché illiquide : Le marché immobilier est un marché très illiquide - c’est-à dire un marché dont les actifs sont physiques - ce qui rend les transactions beaucoup plus petites que sur le marché des valeurs mobilières, par exemple;

  • Obstacles à l'entrée et difficulté d'accès : Il s'agit d'une activité à forte intensité de capital et il est difficile d'accéder aux marchés étrangers;

  • Processus complexes car ils font appel à plusieurs intervenants;

  • Coûts de transaction importants : Les transactions impliquent des coûts supplémentaires en raison de tous les intermédiaires impliqués;

  • Manque de transparence : Les accords conclus ne sont pas toujours en faveur de l'acheteur, et ce dernier n'a pas toujours une visibilité totale sur la transaction.

Ce n'est donc pas sans raison que certains pays et de nombreuses organisations commencent à s'intéresser davantage à la tokenisation immobilière ou à l'utilisation de la blockchain pour améliorer les processus dans le secteur de l'immobilier : ces innovations pourraient potentiellement résoudre nombre de ces défis en offrant une automatisation, une plus grande précision et une réduction des fraudes.


La tokenisation de l'immobilier : un changement de paradigme?



Figure 1: Principaux avantages de la blockchain dans l'immobilier


Mieux : les avantages qu'elle pourrait apporter au secteur immobilier - tels que présentés dans la Figure 1 : Principaux avantages de la tokenisation - ont le potentiel de changer le visage de cette industrie. Les caractéristiques intrinsèques de la blockchain - décentralisation, transparence, consistance, immuabilité et temps réel - permettent de surmonter les limites du secteur immobilier qu’on a mentionnées plus haut. Bien que la technologie elle-même et les cas d'application spécifiques au secteur de l'immobilier soient encore embryonnaires, acteurs du marché comme universitaires jugent que plusieurs avantages de la tokenisation et de la blockchain en sont ressortis:


Transformation des modèles d'affaires: La blockchain dans l'immobilier pourrait introduire de nouveaux modèles d'affaires et transformer les modèles existants par la tokenisation des biens immobiliers, par exemple. Cette technologie permet également d'introduire de nouvelles structures dans les organisations, de nouvelles formes de gouvernance, l'automatisation des dividendes des actionnaires ou encore la transformation de la manière dont les votes sont enregistrés au sein des organisations, pour ne citer que quelques exemples.


Globalisation et accessibilité: En raison de la nature décentralisée de la blockchain, les applications ne sont pas limitées à une quelconque juridiction, mais peuvent être accessibles numériquement partout dans le monde. Cela permet aux individus d'accéder à des marchés qui seraient autrement hors de leur portée. En outre, le fractionnement des actifs offre à un plus grand nombre d'investisseurs et aux jeunes générations l’opportunité d’entrer sur le marché puisque les exigences en matière de capital sont beaucoup plus faibles.


Transactions 24/7/365: L'un des principaux avantages de la finance décentralisée est sa disponibilité 24/7/365 permettant aux investisseurs de réaliser des transactions à tout moment via des plateformes en ligne, telles que RealT ou SolidBlocks. Il s'agit d'une amélioration considérable par rapport au système actuel qui, même pour les titres, fonctionne en gros du lundi au vendredi, de 8 heures à 16 heures.


De nouveaux types de produits et de services: De nouveaux produits et services sont introduits sur le marché de l'immobilier grâce à la blockchain et à la tokenisation. Ces produits et services comprennent :

  • Les offres de jetons de sécurité (STO), ces jetons numériques émis sur une blockchain sous la forme de titres réglementés ;

  • De nouvelles plateformes et applications (RealT, SolidBlocks, etc.) permettant à chacun d'acheter en ligne une fraction de propriété ;

  • Numérisation des registres fonciers grâce à des blockchains dédiées qui servent à localiser, identifier et enregistrer les biens immobiliers. Ces blockchains permettent, entre autres, d'améliorer la transparence et l'efficacité du processus d'administration foncière puisque toutes les parties prenantes du réseau disposent d'une copie des données et que le processus est automatisé.

Création de liquidité: La technologie blockchain autorise la tokenisation d'actifs tangibles et physiques, qui proviennent généralement d'un marché très illiquide, comme l'immobilier. En fractionnant ces actifs en petits jetons, la technologie blockchain les rend plus facilement transférables et négociables, autrement dit elle améliore leur liquidité - un concept qu’on peut définir comme la capacité d'une organisation à convertir rapidement un bien en espèces à une juste valeur.


Réduction des coûts de transaction: La diminution du nombre d’intermédiaires permet de réduire les coûts de transaction puisque la blockchain répartit ses opérations sur son réseau. Ce processus garantit que les transactions sont enregistrées et répliquées par tous les utilisateurs du réseau blockchain, permettant à chacun d'en posséder une copie. En outre, l'utilisation de contrats intelligents automatise de nombreux processus et élimine donc des activités qui échoyaient auparavant à des intermédiaires (voir ci-dessous). Cela étant dit, cette technologie crée aussi ses propres et nouveaux besoins pour attester de la conformité des organisations (l'audit du code/des contrats intelligents par exemple).


Une plus grande transparence des processus: Comme mentionné précédemment, toutes les informations sont stockées dans la blockchain et sont accessibles aux membres en fonction de la configuration d'accès, ce qui garantit une plus grande transparence. Par exemple, les informations relatives aux biens (par exemple, les dossiers d'achat de terrains, le registre des titres, les dépenses, les revenus…) pourraient également être incluses, ce qui faciliterait la vérification des coûts et de la conformité.


Réduction du temps de transaction: Contrairement au délai de règlement de 30 à 60 jours pour les transactions immobilières des primo-accédants au Canada et au T+2 pour les transactions de titres traditionnels, la blockchain permettrait un règlement en quasi temps réel.


L'automatisation des processus: Permise en partie par l'utilisation de contrats intelligents, l’automatisation des processus sur la blockchain est synonyme d’efficacité opérationnelle, de réduction des erreurs humaines et de simplification/standardisation des procédures. Parmi les processus automatisables, citons : contrôle de conformité, AML/KYC, distribution automatique des bénéfices, paiement des intérêts, systèmes de reporting... Parmi les autres domaines d'automatisation figurent les modèles de formation du capital, les modèles de structuration financière et des structures de jetons (voir Blockchain and the Token Economy: Theory and Practice, Mary C. Lacity et Horst Treilblmaier, 2022).



Ceux qui sont sur la voie de la transformation


Il existe déjà quelques cas dans le monde qui tirent parti de ces caractéristiques pour améliorer les processus dans le secteur de l'immobilier.


L'un des projets les plus récents est une initiative conjointe canadienne conçue en partenariat avec le Toronto Regional Real Estate Board (TRREB). Elle entend introduire des solutions blockchain "tokenisées" pour les chambres immobilières à travers le Canada. En tant que plus grande chambre immobilière du Canada, la TRREB et ses 70 000 membres bénéficieraient de cette nouvelle solution grâce à son intégration dans le système REALM (la nouvelle plateforme d'inscription multiple pour l'immobilier). Ce projet prévoit de répondre ainsi aux besoins des membres de la TRREB en rendant le processus de transaction plus fiable et plus sûr, tout en l'automatisant grâce à des contrats intelligents. À long terme, ce type de partenariat, conclu entre les plus grandes chambres immobilières du pays, des leaders de l'immobilier et des entreprises technologiques pourrait avoir un impact important sur la façon dont les biens immobiliers sont négociés au Canada.


Ailleurs dans le monde, des projets plus avancés ouvrent la voie depuis plusieurs années. Sans surprise, plusieurs d'entre eux visent le même objectif : développer un système basé sur la blockchain pour l'administration foncière. "Sans surprise" parce que la propriété foncière est un aspect crucial de l'industrie immobilière, parce qu'elle constitue le fondement des droits de propriété et parce qu'elle est essentielle pour acheter, vendre ou transférer des biens immobiliers. Ce cas d'utilisation peut donc être considéré comme l'une des étapes fondamentales de la construction d’une future économie de jetons/tokens immobiliers. Le tableau suivant présente certaines des juridictions qui ont expérimenté ou mis en œuvre la blockchain dans l'administration foncière.


Tableau 1 : Projets d'administration des terres

(source: Rodima-Taylor, 2021)



Cependant, d'autres cas d'utilisation sont encore plus avancés, offrant des actifs réels tokenisés, sous différentes formes, et utilisant différents véhicules. Certains des exemples documentés les plus marquants sont présentés dans le tableau suivant :


Tableau 2 : Projets et entreprises de tokénisation d'actifs

(sources: Chow & Tan, 2021; Deloitte, 2021; Deloitte, 2022; Lacity & Treiblmaier, 2022)



De nombreux obstacles subsistent, mais aucun n'est insurmontable


Si les avantages de la tokenisation immobilière basée sur la blockchain ont le potentiel de révolutionner l'investissement dans cette classe d'actifs traditionnellement illiquide, la concrétisation de ces avantages dans le temps dépendra de trois facteurs: 1. l'environnement réglementaire et juridique, 2. le temps nécessaire pour construire l'infrastructure ou l'écosystème nécessaire et 3. la demande du marché pour atteindre un certain seuil.


Par exemple, la promesse de démocratisation de l'investissement immobilier à l'échelle mondiale est fortement tributaire du cadre juridique et réglementaire de chaque pays, chose qui reste incertaine pour la grande majorité des juridictions. En d'autres termes, les systèmes réglementaires et juridiques doivent d'abord reconnaître l'équivalent numérique d'un actif ou d'un droit d'actif sur un token afin de permettre aux tokens de transiter entre les pays.


L'accroissement de l'accessibilité dépend également du fractionnement du jeton ou de montants d'investissement minimaux, ainsi que de la création d'un marché d'échange secondaire réglementé, où ces jetons peuvent être facilement liquidés. À l'heure actuelle, cette infrastructure fait défaut et les transactions de gré à gré (OTC) ou de pair à pair sont encore principalement utilisées. Comme nous l'avons déjà dit, les contraintes ou les incertitudes réglementaires pourraient avoir un impact dans ce domaine.


Quant au règlement en temps réel (Lacity et Treiblmaier, 2022, p. 189), le " temps " de règlement peut finalement refléter le niveau de dépendance au système traditionnel et les exigences du processus (s'il n'est pas ajusté, par exemple, pour reconnaître l'utilisation de la technologie blockchain), comme le nombre d'étapes/approbations intermédiaires (par exemple, un avocat) et la nature de ces étapes (temps nécessaire, approbation physique vs électronique, etc.)


Néanmoins, certains avantages non négligeables pourraient être obtenus plus rapidement, notamment les avantages découlant de l'utilisation de la technologie blockchain et des contrats intelligents pour l'automatisation. Mais attention: une fois encore, la maturité et l'état de l'écosystème peuvent constituer un facteur limitant, pensons par exemple au paiement automatique des dividendes via la blockchain qui présuppose que la banque accepte le principe même du contrat intelligent (ibid.).


La littérature est également riche en enseignements tirés de la mise en œuvre de la blockchain et de projets pilotes dans l'administration foncière. Ces expérimentations mettent en évidence l'impact négatif à la fois de l'incertitude réglementaire et de la coexistence de nombreux systèmes dans des solutions hybrides (utilisation de bases de données classiques intégrées à la technologie blockchain). Le projet suédois d'administration foncière par blockchain est symbolique de ces mises en garde. D'une part, cette expérience a prouvé que les solutions hybrides, plutôt que de remplacer le système actuel et de le rendre plus efficace, peuvent ajouter en fait le coût de la blockchain aux structures actuelles, augmentant ainsi l'ensemble des charges. D'autre part, l'application n'a pas pu passer en production pour une raison aussi triviale que névralgique : les signatures électroniques n'étaient pas considérées comme juridiquement valides.


Ces retours d'expérience peuvent être très utiles pour tout projet - tel que le projet TRREB mentionné ci-dessus - qui pourrait avoir à faire face au cadre réglementaire et à la coexistence de plusieurs systèmes. Mais quoi qu'il en soit, ces obstacles ne doivent pas apparaître comme insurmontables ! Prenez le Liechtenstein par exemple, qui depuis le 3 octobre 2019 a défini un cadre juridique pour la tokenisation et les transactions basées sur ce qu'ils ont appelé la "technologie de confiance" (TT) dans la loi sur les "Token and TT Service Providers" (TVTG). Ce petit pays "reconnaît désormais la technologie comme suffisamment digne de confiance pour que les transactions de titres de participation puissent se produire sans approbation supplémentaire par un notaire ou un avocat." (ibid.)


Dans l'attente patiente d'une législation similaire ailleurs dans le monde, les tests et l'expérimentation sont le seul moyen de faire avancer le secteur sur cette question.



Maintenant ou plus tard ?


Compte tenu de l'état actuel de l'environnement juridique et réglementaire, de l'immaturité de l'écosystème et des limites susmentionnées, les organisations pourraient se demander si la tokenisation immobilière et les autres cas d'utilisation de la blockchain dans l'immobilier méritent d'être explorés aujourd'hui.....

Au-delà de "la voie à suivre pour aller de l'avant" résumée dans la figure 2 ci-dessous, il y a un certain nombre d'éléments à prendre en compte pour répondre à cette question finale, notamment les trois suivants :


L'innovation prend différentes formes et se déroule en plusieurs étapes

Il est essentiel de rappeler que les bénéfices potentiels dérivés de la blockchain et de la tokenisation ne seront véritablement récoltés qu'à long terme. Mais en même temps, impossible de nier le potentiel de disruption représentée par cette technologie, en particulier lorsqu'on considère la tokenisation de l'immobilier. Comme Clayton Christiansen, professeur à la Harvard Business School, l'a théorisé il y a quelques années : "L'innovation disruptive crée de nouveaux marchés et remodèle les marchés existants" (voir notre article sur la façon de réglementer une technologie disruptive comme les actifs numériques). Vu sous cet angle, l'immobilier pourrait donc être aux portes d'un tournant majeur. En gardant cette perspective à l'esprit, les organisations peuvent donc se concentrer sur les problèmes, les objectifs et les cas d'utilisation à plus court terme qui sont pertinents pour l'organisation et l'avenir du secteur. Comme l'a écrit Greg Satell dans Harvard Business Review : "L'innovation consiste, au fond, à résoudre des problèmes - et il y a autant de façons d'innover qu'il y a de types de problèmes à résoudre." En fin de compte, le processus est unique à chaque organisation et doit refléter les environnements interne et externe. Mais il est essentiel de ne pas se laisser dépasser par la disruption...


L'innovation alimente la législation et la réglementation futures

Parce qu'elle est par nature réglementaire et juridique, la législation a tendance à évoluer plus lentement que l'innovation elle-même. Alors qu'une plus grande clarté réglementaire est attendue de la part de plusieurs juridictions à l'échelle mondiale dans les 12 à 24 prochains mois - notamment en ce qui concerne l'Union européenne (MiCA), les États-Unis (décret Biden) et le Canada - il est non seulement possible de lancer des projets d'ampleur différente et respectant les lois et réglementations actuelles, mais ceux-ci permettront de surcroît aux régulateurs comme au secteur de tirer des enseignements de ces expériences et d'informer les régulateurs de manière à créer le cadre le plus équilibrée possible (voir figure 2). L'interaction entre les opérateurs historiques réglementés (qui ont une relation établie avec le régulateur local), les start-ups technologiques et les organisations crypto-natives, notamment dans le cadre d'un projet pilote interne ou d'un bac à sable réglementaire, peut constituer une voie permettant d'accélérer l'innovation et de construire l'écosystème nécessaire, tout en favorisant un développement sûr, solide et éthique de cette même innovation.


L'innovation se fait au niveau mondial

Comme brièvement abordé dans cet article, les gouvernements et les organisations publiques comme privées du monde entier ont déjà commencé à s'attaquer aux différents cas d'utilisation de la blockchain dans l'immobilier. Et ces initiatives ne prennent pas place seulement dans des juridictions à la réglementation laxiste ou qui sont favorables aux cryptomonnaies. En ce sens, l'exploration et l'expérimentation sont déjà en cours partout. Comme l'illustre la figure 2 ci-dessous, dans tous les cas, l'exploration est nécessaire pour prendre des décisions éclairées.


Figure 2 : la voie à suivre pour aller de l'avant

Le projet de tokenisation de biens immobiliers dépend de plusieurs facteurs intrinsèques et extrinsèques qui doivent être évalués attentivement afin de déterminer les étapes qui suivront et assurer le succès de ce dernier.



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